Aquarelle d’Émile Roméro
Irène Mouroux est née à Uzerche (Corrèze), le 29 mai 1924. Elle est en partie élevée par sa tante et son oncle, sa famille ayant parfois du mal « à joindre les deux bouts » . En mai-juin 1940, elle obtient à Limoges son diplôme de de sténodactylo et rejoint sa famille installée à Montluçon. Elle est embauchée pour travailler comme secrétaire au bureau du major du 152e RI qui stationne à la caserne Richemont.
Son père, Hippolyte Mouroux, est un communiste engagé. Il demande à sa fille de taper des stencils pour la résistance. Le 8 janvier 1942, la police arrive chez les Mouroux. Elle procède, après avoir perquisitionné la maison, à l’arrestation d’Hippolyte et d’Irène Mouroux. Le père et la fille sont emmenés au camp de Villard à Montluçon. Quarante autres arrestations ont lieu ce jour-là dans le bassin montluçonnais. Les hommes sont internés au 92e RI de Clermont-Ferrand. Irène, seule femme arrêtée, est conduite à la maison d’arrêt de Clermont-Ferrand.
Sur les 42 arrestations, 21 sont retenues à l’instruction. Le 26 février, Irène est condamnée à 2 ans de prison par le tribunal militaire de la 13e région. Après le jugement, les hommes sont dispersés dans différentes prisons. Hippolyte est envoyé au Puy. Irène reste d’abord à Clermont, puis elle est transférée à Issoire. Elle souffre de la faim en prison et du manque d’hygiène. La plupart de ses codétenues sont des droits communs et sont plus âgées qu’elle. La prison est particulièrement difficile pour Irène qui n’est pas tout à fait sortie de l’enfance. Elle fait des crises nerveuses. Irène bénéficie de la liberté conditionnelle le 6 mars 1943.
A son retour à Montluçon, elle aide sa mère à subvenir aux besoins de la famille. Elle s’occupe de jeunes enfants. Irène continue, par ailleurs, ses activités de résistance. En 2006, elle se rappelle les dangers de cette époque : « J’ai assuré des contacts et fait des transmissions de messages. J’ai beaucoup utilisé le vélo à cette époque pour me rendre d’un point de Montluçon à un autre. J’ai appris à bien connaître cette ville ! Mon fiancé m’accompagnait parfois. Il fallait être prudent. C’est ainsi qu’une fois, alors que j’étais à la maison de la pêche pour livrer un message et qu’il m’attendait à l’extérieur, il a vu des Allemands qui emmenaient des prisonniers à côté. Nous avons frôlé la catastrophe ! Afin de ne pas attirer l’attention, il est parti en emmenant avec lui mon vélo. Il m’a attendue plus loin sur la route. Notre vie n’était pas facile. Il fallait réagir vite et bien. »
En juin 1944, elle part dans le Puy-de-Dôme à la demande de son père qui a réussi à s’échapper et à rejoindre le maquis. Elle assure là encore des contacts et transmet des messages. Elle est démobilisée en septembre 1944. De retour à Montluçon, elle reprend avec son père ses activités auprès des Milices patriotiques. Irène fonde une famille, a un fils, mais n’oublie pas les années terribles de sa jeunesse.
« Je ne me suis pas battue les armes à la main, mais d’une autre manière. La diffusion des idées de la résistance est pour moi essentielle dans la lutte contre l’occupation allemande et le gouvernement de Pétain. J’ai participé à cette diffusion, avec une certaine inconscience du danger, du moins au départ. J’ai d’ailleurs eu beaucoup de chance d’avoir été arrêtée en janvier 1942, avant l’invasion de la zone libre. J’aurais certainement été déportée si mon arrestation avait eu lieu après novembre 1942. »
Irène Cordat témoigne sans cesse de ce que fut la résistance dans l’Allier. Femme dynamique et volontaire, elle œuvre au côté de son frère, Pierre Mouroux, pour redonner vie au Musée de la Résistance de Montluçon. Pierre décède le 10 novembre 2009, Irène le 13 avril 2012.
Sources : entretien de Suzel Crouzet avec Irène Cordat, novembre 2006 ; 1939-1945, La Résistance du tract à la lutte armée en Allier de Robert Fallut, mai 2008.