Jacques André Guillien est né le 23 juin 1921 au Bourg d’Augy à Saint-Léopardin-d’Augy (Allier). En 1936, il entre à l’École pratique et rejoint les Jeunesses Communistes. C’est Jacques qui fonde d’ailleurs par la suite la cellule communiste de Teillet-Argenty. Ouvrier-forgeron, il travaille à l’usine Le Réservoir de Montluçon qui produit des réservoirs de freinage pour les trains. Après les grèves de 1938 et la désorganisation de la CGT qui s’ensuit, Jacques est le seul syndiqué de son usine. Pendant la guerre, il continue à militer aux JC sous le pseudonyme d‘Ernest. Il distribue des tracts. De novembre 1941 à juin 1942, il passe huit mois au Chantier de Jeunesse n° 22 de Messeix (Puy-de-Dôme), ce qui le coupe un temps des JC.
Le 6 janvier 1943, Jacques doit partir pour l’Allemagne avec d’autres réquisitionnés, mais la manifestation populaire lui permet de s’échapper. Dès lors, c’est une vie d’illégalité qui l’attend. Il continue à réceptionner les parachutages alliés qui ont lieu près de Teillet-Argenty, Prémilhat, ou sur des terrains limitrophes de la Creuse. Il fait partie du corps franc Patou dirigé par Aimé Chicois. C’est ce dernier qui réceptionne les messages radio et prévient de l’arrivée des parachutages. Jacques participe aussi à des opérations de sabotage des voies ferrées et recrute pour les maquis. Le 26 septembre 1943, il doit se rendre à Gannat pour rencontrer Tilou Bavay qu’il ne connaît pas encore et un maquisard de la forêt des Colettes. Il porte sur lui un révolver tout neuf. Jacques et Tilou se font arrêter par la gendarmerie française. Ils sont d’abord emmenés à Clermont-Ferrand, puis à Riom où ils sont jugés. La culpabilité de Jacques ne fait aucun doute, l’arme a été trouvée sur lui. Le 8 décembre, il est condamné à un an de prison. Début janvier 1944, il est transféré à la centrale d’Eysses (Lot-et-Garonne). Les conditions de détention sont assez favorables à son arrivée. Les détenus ont obtenu certains droits. Ils peuvent se réunir et publier un journal. Certains gardiens penchent même du côté de la Résistance. Tout change avec la tentative d’évasion collective du 19 février 1944 qui se solde par un échec. Douze prisonniers ont été blessés. Ils sont fusillés le 23 février. Les détenus sont remis aux Allemands le 30 mai et transférés à Compiègne.
Le 18 juin, Jacques part pour Dachau par le convoi n° 1 229. Les conditions de trajet sont épouvantables. La chaleur est telle que les boules de pain données au départ deviennent vite immangeables. Ill n’y a pas d’eau. Le soif se fait vite sentir et devient insupportable. Les wagons sont surpeuplés et les détenus doivent rester debout. Ceux qui n’arrivent pas à garder cette position sont soutenus par les autres. Jacques, quand il raconte cet épisode en 1985, insiste sur le solidarité qui existe entre les prisonniers, solidarité qui va continuer dans les camps nazis. Le séjour à la centrale d’Eysses leur a fait comprendre l’importance de l’entraide. Le 20 juin 1944, à l’arrivée à Dachau, il n’y a pas un mort dans le wagon de Jacques. La soif est si grande que beaucoup de détenus se jettent sur les touffes d’herbe ou l’eau sale des caniveaux. Il sont vite ramenés à la raison par les coups que leurs assènent leurs gardes. Jacques reçoit le matricule n° 73546.
Après la quarantaine, Jacques est transféré au kommando d’Allach, puis à celui de Blaichach situé près de la frontière suisse. Il a la chance de travailler en atelier pour l’usine BMW. Il est au sec et à l’abri. Il travaille sur une fraiseuse. L’atelier fabrique de bielles de moteurs d’avions. Devant l’avancée des Alliés la direction du camp décide d’évacuer les détenus et de leur faire traverser à pied les Alpes pour rejoindre l’Autriche. Au cours du trajet, beaucoup tentent de s’échapper, dont Jacques. Ceux qui n’ont pas été abattus retournent sur leurs pas et rejoignent le camp déserté par les SS et les gardiens. Le camp est libéré le 1er mai 1945 par la première armée française. Jacques reste encore une huitaine de jours au camp avant de pouvoir en partir le 8 mai. Le voyage est mouvementé, le camion tombe plusieurs fois en panne. Jacques et ses compagnons doivent continuer à pied dans la Forêt Noire avant de rencontrer une patrouille française qui finit par les aider à rejoindre Strasbourg. Jacques prend ensuite le train pour Paris. Après un passage par l’hôtel Lutetia, il gagne Montluçon par le train (13 mai 1945).
Jacques Guillien devient permanent de l’Union des jeunesses républicaines de France. Il épouse Marjanna Podezaski le 12 août 1950 à Teillet-Argenty. Il décède le 2 septembre 2006 à Désertines.
Sources : lettre du 3 mars 1950 d’Aimé Chicois adressée à M. le Colonel Duplessier (dossier19 P 03/7, Mémoire des hommes, vue 73) ; entretien de Jacquou Guillien et Marjanna avec Jean et Suzanne Bidault, 3 mai 1985 ; site de l’ AFMD de l’Allier ; notice du Maitron réalisée par par Julian Mischi.