Photographie  : Direction interdépartementale des Anciens Combattants de Clermont-Ferrand.

Jeanne est née dans le Cher, à Vernais. Elle s’installe à Montluçon en 1939 où elle continue d’exercer son métier de couturière à domicile. En 1943, Jeanne accepte d’aider la Résistance. Elle distribue des tracts et transmet des messages pour l’organisation des MUR. Son fils est recherché par les Allemands. Le 6 mai 1944, Jeanne est arrêtée. D’abord emmenée à l’hôtel du Faisan, elle est conduite le lendemain à l’hôtel de l’Univers où elle subit un interrogatoire. Elle passe ensuite la nuit à la caserne avec une trentaine d’autres personnes. Le jour suivant, elle rejoint la prison de Moulins où elle reste jusqu’au 6 juin 1944. Ensuite c’est Romainville, puis le départ pour le camp de Neue Bremm. Huit jours plus tard, Jeanne fait partie d’un convoi pour Ravensbrück où elle arrive le 25 juin. Elle reçoit le matricule n° 43128.

Aux alentours du 20 juillet, elle est incorporée à un kommando pour travailler dans une usine de fabrication d’obus. Elle est affectée au four. A la fatigue et aux brimades s’ajoute la privation de nourriture. Jeanne a été soutenue par la volonté de résister. A l’usine, elle participe à des actions de sabotage ; au camp, elle rejoint des réunions clandestines. A l’approche des Alliés, l’évacuation du camp est organisée : « C’était quatre heures du matin. Ils nous ont toutes réveillées, mises dans la cour par rangs. Emportez vos couvertures, des couvertures de coton, tu parles avec ça ! On a mis les couvertures. Et on attendait sur la route, gardées comme de bien entendu. Il ne fallait pas flancher. On était par cinq et il ne fallait pas flancher. On a marché pendant deux jours et on écoutait le canon pas loin. On a dit, ça y est, ils nous emmènent là-bas ». En fait, les déportées sont regroupées par nationalités, puis abandonnées à un embranchement : « ils nous ont envoyées de chaque côté comme ça. Et puis ma foi, on a marché ». Commencent alors des jours d’errance dans une Allemagne livrée au chaos. Récupérées par la police allemande, Jeanne et huit de ses compagnes arrivent à s’échapper. Elles se joignent à des prisonniers français et pendant une quinzaine de jours, elles vivent aux dépens des habitants, chapardant nourriture et vêtements.

Finalement, elles rejoignent les Américains qui se chargent de leur rapatriement à Paris où elles arrivent fin mai 1945. « Alors quand on est arrivées à Paris, à l’hôtel Lutetia, alors là fallait voir, ils avaient des bombes … tu sais comme on fait aux mouches. Ils nous ont passées à la bombe. » Jeanne pèse à peine quarante kilos. Le soir même, elle quitte Paris. Après une nuit passée à Moulins, elle retrouve enfin Montluçon et son fils. « A mon retour, il était arrivé avant moi… Il allait voir tous les jours à la gare si j’arrivais. Le jour où il n’y est pas allé, je suis arrivée ». Jeanne décède le 27 juillet 1996 à Auxerre. 

Sources : témoignage recueilli le 3 octobre 1984 par Jean et Suzanne Bidault ; article de Béatrix Thave pour Notre Musée ; site de l’AFMD de l’Allier.